Cher A

                Cher A,
                Aujourd’hui, j’ai fini le livre bouleversant et brillant de David Levithan. Il raconte ton histoire. Tes histoires, j’avais envie de dire, mais ça irait à l’encontre de tout ce qui est dit dans A comme Aujourd’hui.
                Je me sens terriblement changé et terriblement triste. Comment on peut survivre à un tel livre ? En le lisant, j’y voyais des défauts, des choses agaçantes, et des conceptions que je n’aurais pas vues comme telles… Je voyais mal ton idée, même très belle, que l’Amour était écrit et que soudain tout devenait évident. Je vois plutôt l’Amour comme quelque chose qui vient lentement, simplement, et quand on s’en rend compte, tout d’un coup, qu’on est en train de tomber amoureux, comme une longue et sensible chute à la Alice, on atterrit, et ça fait un bien fou.
                Ton histoire est bien écrite, sensible, avec les bons mots et les bons rythmes. C’est simple et tendre à la fois. Mais ce n’est pas ça qui fait de A comme Aujourd’hui un livre profondément brillant. C’est tout ce à quoi David Levithan et ta propre histoire nous font réfléchir qui en font de lui un livre éminemment unique.
                Dans cette histoire d’amour impossible qui s’envole et évade, on cherche à cerner ce qu’est ce sentiment passionnel, unique, et terrible à la fois. On essaie d’en comprendre ses mécanismes, sa naissance aussi. Et on essaie de comprendre pourquoi on aime quelqu’un. Avec une simplicité et une douceur qui font de ce livre qu’il est réussi sur ce point là, on arrive à accepter l’idée qu’on aime quelqu’un pour ce qu’il est à l’intérieur, et non pour son apparence, ce qu’il a été et ce qu’il devrait être.
                Mais plus que cela, A, tu nous livres une leçon, ou en tout cas ton histoire, qui nous fait réfléchir à ce qu’est notre identité. Qui est-on ? Quelle est notre vraie identité ? Est-on fait de chair ou d’esprit ? Et plus encore, peut-on vivre et être quelqu’un sans avenir ? Parce que c’est ça le truc, tu n’as pas d’avenir, pas de demain possible… tu n’es pas comme les autres. Tu es différent. Mais juste différent. N’est-ce pas si injuste pour toi que la seule chose possible est d’être A, A comme Aujourd’hui ? Si toi tu existes, ne peut on pas être quelqu’un, même sans avenir ? Ou ton avenir est-il précisément, dans le fait d’en chercher un ? On part tous, un jour, en quête d’un grand Peut-être. Mais de quelque chose de différent d’un autre.
Alors tu essaies nous faire prendre conscience soudainement de l’incroyable panel qu’offre l’être humain. Toutes ces différences en une seule et même communauté, conjugué à 7 milliards d’êtres. Ça tord les tripes, cette prise de conscience, c’est puissant, c’est immense… ça fait peur et fascine en même temps.
En fait, ton histoire nous questionne sur l’Amour, sur notre identité, et finalement sur notre relation à l’Autre. Ne base-t-elle pas notre identité même ? Ne fait-elle pas de nous ce que nous sommes ? Qu’est-ce qu’une vraie relation à l’autre ? Même quand on a accepté d’être, accepté d’être soi, comme tu l’as fait… si les autres ne nous acceptent pas, est-on toujours quelqu’un ? Peut-on toujours être sans les autres ?
Toutes ces questions, ton histoire les pose, et David Levithan le fait avec sagesse, brio, talent et douceur en même temps. Mais à la fin, alors que j’avais vu dans le livre un agacement parfois, une colère envers toi qui me touchais généralement mais qui me paraissais parfois égoïste, tout a basculé. Ton monde s’est écroulé, mon cœur a chaviré.
A comme Aujourd’hui est brillant, réellement brillant. Il questionne notre Amour, notre identité, notre rapport à l’Autre, et notre perception, et ce tout au long d’une histoire étrange et dans une quintessence de la métaphore… mais toi, dans tout ça ? Tu deviens quoi, A ? Le livre est éblouissant, mais ton histoire est déchirante.
Soudainement, tu nous cries, tu nous l’écris, tu nous le chuchotes, tu nous le dis d’une manière douce et envolée et ça touche au cœur. Tout d’un coup tu nous dis ça : « Contemplez le centre de l’univers, vous y verrez le vide. Un vide glacial. En fin de compte, l’univers se fiche de nous. Le temps se fiche de nous. Pour cette seule raison, nous nous devons de prendre soin les uns des autres. »
La vérité éclate aussi douce que captivante, aussi habile qu’émouvante. On Est pour et par les Autres, et surtout on est rien d’autres que des bouts d’univers bafoués qui doivent apprendre à vivre, ensemble, et pour s’aimer.
                Mais, A, qui va prendre soin de toi ? Tu es attachant et généreux, et, moi, je veux prendre soin de toi, mais même là je sais que je n’en aurais pas la force comme tu en as besoin… et ça me tue de penser ça, parce qu’au final on est aussi tous condamnés à être ce que nous sommes : des humains, avec un avenir, un passé, et un présent qui prend toute son ampleur dans les deux autres entités qui font de nous ce que nous sommes. En fait, c’est notre plus grande force mais aussi notre plus grande limite. Et c’est pareil pour l’Autre : il nous construit, nous accompagne toujours et tout le temps… mais alors, sans lui, on est quoi ?
                A, je ne sais comment te dire au revoir. Ton histoire m’a bouleversé comme rarement une histoire ne l’avait faite. J’ai cru que c’était juste une bonne histoire, bien écrite et profonde. Mais c’est plus que ça. Ton histoire questionne l’humain dans toute sa globalité, sur ses questions les plus existentielles. A comme Aujourd’hui questionne l’identité, l’autre et l’amour d’une façon brillante et poignante. C’est doux, sincère, voluptueux et titanesque. C’est unique, humain et envolé.
                Mais comment te dire au revoir, A ? Je ne peux pas. C’est pas possible. J’ai un creux au cœur. Je me sens déchiré sans que rien ne puisse combler cette plaie. Quelque part, j’espère que tu as trouvé quelqu’un. D’autres personnes. Des personnes comme toi ? Tu es différent mais pas unique ?
                Quelque part au fond de moi, je me persuade que quoi qu’il en soit, tu seras toujours en nous… peut-être même qu’en ce moment-même tu écris à ma place. J’en sais rien, ça me console à peine.
                Au revoir, A
                Je te souhaite tout le bonheur du monde, comme je n’en ai jamais souhaité autant à quelqu’un
                Tom

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Par David Levithan
Aux éditions Les Grandes Personnes
384 pages
17 €

« Même les personnes normales ne saisissent pas tout de leur existence. » p8-9

« Une part de l’enfance est infantile, une autre est sacrée. Tout d’un coup, nous touchons au sacré : courir en direction de l’eau, sentir la première vague glacée contre no chevilles, mettre les mains dans l’océan pour attraper des coquillages avant que le courant ne les retire d’entre nos doigts. Nous avons retrouvé un monde capable de scintiller, et nous nous y enfonçons de plus en plus profondément. Nous ouvrons grand les bras, comme pour étreindre le  vent. » p22

« Que se passe-t-il au moment précis où l'on tombe amoureux? Comment un laps de temps aussi court peut-il contenir quelque chose d'aussi immense? Soudain, je comprends pourquoi les gens ont parfois une impression de déjà-vu, pourquoi certains croient à des vies antérieures: l'écho de ce que j'éprouve résonne bien au-delà de quelques années que j'ai vécues sur cette terre. Le moment où l'on tombe amoureux semble puiser sa source des siècles, des générations en arrière - dans un passé qui s'aligne pour donner naissance à cette intersection précise, étonnante. Peu importe que cela puisse paraître ridicule, on sent au plus profond de soi que tout cela était écrit, que toutes les flèches invisibles pointaient dans cette direction, que l'univers préparait tout cela depuis l'éternité - et c'est seulement à cet instant que l'on s'en rend compte, en arrivant là ou l'on était attendu depuis toujours. » P32

« C’est presque réconfortant de constater que l’affection que l’on éprouve pour autrui définit notre perception aussi bien que n’importe quelle autre influence. » p45

« Je voulais que l’amour puisse vaincre toutes les difficultés. Mais, seul, l’amour ne peut rien.

C’est à nous qu’il incombe de surmonter les obstacles. » p325

 « Contemplez le centre de l’univers, vous y verrez le vide. Un vide glacial. En fin de compte, l’univers se fiche de nous. Le temps se fiche de nous. Pour cette seule raison, nous nous devons de prendre soin les uns des autres. » p368

http://lavoixdulivre.blogspot.fr/p/prix-lvdb.html

Commentaires

  1. Je comprends parfaitement tout ce que tu veux dire mais moi je n'arrive pas à mettre des mots pour décrire ce que j'ai ressenti. J'ai adoré. Le message sur l'amour et la vie en général que transmet David Levithan au travers d'A ... ❤
    Bravo pour ta chronique.

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  2. Ta lettre est magnifique... ♥ Du coup, tu me donnes vraiment envie de me plonger dans cette histoire !

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