[Interview] Cornélia Funke


Je suis heureux de vous présenter un interview d'une auteur qui me tient à coeur ! Cornelia Funke, auteur de Coeur d'Encre, ou encore plus récemment Reckless !

  • Bonjour Cornelia Funke ! Pour le peu de monde qui ne vous connaît pas, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?

    Bonjour. Mon métier consiste à raconter des histories et à illustrer des livres. Il m’arrive aussi de produire les films tirés de mes histoires, d’en faire des lectures avec des comédiens sur scène ou de les enregistrer dans un studio d’enregistrement  … ce qui fait beaucoup de métiers en un. J’écris en allemand, ma langue maternelle, bien que je vive depuis sept ans à Los Angeles. En maintenant 25 ans, j’ai publié plus de 60 livres, dans 50 pays et  langues environ. Ma fille Anna a 22 ans et  étudie l’histoire de l’art à Londres , mon fils Ben a 17 ans et va au lycée ici. Il fait de la  minimal house music et s’est fait tatoué LA sur la poitrine . Je vis et raconte des histories entre deux mondes, l’Europe et la Californie.
  • Vous avez écrit un certain nombre de livres qui ne sont pas tous sortis en France, que je n’ai pas tous lus… Donc je vais vous faire une interview qui se déroulera dans un ordre chronologique et je vous parlerais uniquement des livres que j’ai lus sauf une dernière partie à la fin ! ;) Mais je vais commencer par un peu de généralités ! Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ?

    Parce que comme illustratrice, je m’ennuyais BEAUCOUP , Tom. Un soir je me suis dit : non, ces histories sont trop ennuyeuses, je vais essayer d’en écrire une que j’aurais envie d’illustrer, avec des dragons, des serpents de mer et tutti quanti . Cette histoire a tout de suite été publiée et quelques années plus tard, je savais que je préférais écrire qu’illustrer, même si je continue à illustrer beaucoup de mes livres..
  • Quand avez-vous commencé à écrire ?
    Je n’étais pas toute jeune, j’avais 28 ans !
  • Quelles sont vos lectures ?

    Je suis une grande dévoreuse de livres et il faut qu’il y ait beaucoup de choix au menu. Je lis de la fantasy, non-fiction, de la poésie, des BDs, des livres pour enfants, des romans policiers, de la science fiction…. selon le moment. Quand je suis en train d’écrire un livre, ce qui est très souvent le cas, j’ai rarement le temps de lire autre chose que les livres dont j’ai besoin pour mes recherches ! Mais quand je fais des illustrations, j’écoute des livres audio. En illustrant Reckless, j’ai écouté presque tous les livres de Neil Gaiman.
  • Quels conseils donneriez-vous à de jeunes écrivains ?

    D’avoir toujours un stylo et du papier à portée de main car les meilleures idées surgissent dans les moments les plus inattendus et disparaissent si on ne les attrape pas au vol. D’être curieux de tout, au dedans comme au dehors. De choisir pour une histoire un sujet qui te touche très personnellement , qui te passionne, de mettre de la réalité dans l’histoire , que ton lecteur puisse  l’entendre, la sentir car toutes les histories inventées sont notre monde, juste déguisé. Il faut que tes lecteurs puissant tomber amoureux de tes personnages. Alors ils les suivent , où que tu les emmènes avec tes mots. Écoute les pulsations de ton histoire et laisse-la te surprendre et déveloper sa propre vie.
LE PRINCE DES VOLEURS
Donc commençons par le premier livre que j’ai lu, premier livre qui m’a donné envie de partir… À Venise !

  •  Pouvez-vous présenter LE PRINCE DES VOLEURS en quelques mots ?

    Cela traite de l’amour entre deux frères et d’un garcon qui ne rêve que d’une chose : être adulte. C’était aussi ce dont je rêvais quand j’étais enfant.  J’ai situé cette histoire à Venise  parce que c’est à Venise que l’idée m’est venue et je ne connais pratiquement aucun autre endroit qui témoigne si bien de ce qu’on n’a pas besoin de voyager dans des mondes fictifs pour trouver des endroits magiques. Notre monde en est plein.
  • C’est le premier livre que j’ai lu de vous et j’ai adoré ! Comme je le disais plus haut, je rêvais après avoir lu ce livre d’aller à Venise ! Quand j’y suis allé, tout était comme dans le livre. Pourquoi avoir écrit ce livre ?

    Il y a tant de livres sur les enfants comme Peter Pan qui ne veulent pas devenir adultes. Je voulais écrire sur ceux qui sont impatients d’être adultes  pour vivre enfin leur propre vie. De plus ce livre est ma déclaration d’amour à Venise.
  • Qu’est-ce qui vous a inspiré ?

    Je crois que les réponses aux dernières questions sont une réponse
  • Les personnages qui sont dans l’histoire sont-ils complètement imaginaires ou inspirés de personnes que vous connaissez ?

    Bo est, en grande partie, inspiré par mon fils Ben qui avait cinq ans à l’époque mais les autres sont un mélange de tous les enfants que je connaissais. Avant de devenir illustratrice, j’ai travaillé quelques années comme assistante sociale  avec des enfants en difficulté et j’ai trouvé la sollicitude qu’ils avaient les uns pour les autres inoubliable. Sans ces enfants, il n’y aurait pas eu de  Prince des voleurs. 
  • Pouvez-vous nous parler de Venise ?

    De ce que vous ressentez, quand y retournez-vous…  C’est un de mes endroits préférés dans le monde. Une machine à remonter le temps qui est aussi notre présent. J’aime la façon dont nos sens sont libérés  quand ils ne doivent pas se concentrer sur la circulation et quand on peut aller partout à pied ou en bateau. J’aime le bruit de l’eau et le fait que chaque pierre raconte une histoire. L’hiver est ma saison préférée à Venise.
     
  • Je crois qu’il y a déjà eu une adaptation non ? Parlez-nous en je n’en sais moi-même pas grand-chose !

    Ce film a été tourné en Europe avec un budget relativement restreint  et en cours de tournage, on a même été à cours d’argent. On a tourné pas mal de scènes sur un plateau de Venise artificiel au Luxembourg et le cinéma abandonné n’est pas du tout comme je me l’imaginais. Malgré tout, j’aime quand même le film parce que le casting des enfants est fantastique  et qu’il y a beaucoup de choses qui sont très proches du livre. Ce qui me plaît le moins, ce sont les  Hartlieb et le père de Scipio. Je les trouve bien trop irréalistes et exagérés.
     
  • Quel effet ça fait de voir son livre adapté au cinéma ? Avez-vous aimé cette adaptation ?

    Quand on autorise l’adaptation cinématographique d’un livre,  on doit accepter que l’histoire soit racontée autrement. D’ailleurs, si je lisais à voix haute LE PRINCE DES VOLEURS, cela durerait 16 heures mais le film dure à peine deux heures, pour raconter l’histoire. De plus il y a une douzaine, parfois une centaine de gens dont la voix est différente de la mienne. Mais je trouve les adaptations cinématographiques malgré, ou plutôt à cause de ce travail commun une magnifique aventure. 
CŒUR D’ENCRE
  • Maintenant nous allons parler de CŒUR D’ENCRE, la trilogie qui me tient le plus à cœur ! J’ai lu le premier tome en 6ème pour une fiche de lecture et je suis tombé sous le charme ! ;)

    C’est très jeune, Tom !:)
     
  • C’est une idée très originale, mais comment en avez-vous eu l’idée ? Parlez-nous de CŒUR D’ENCRE si vous le voulez bien, vous avez champ libre ! (Le temps de l’écriture, vos doutes, vos impressions, pensiez-vous être édité ? Comment ça s’est ensuite passé, les joies de l’édition, les traductions et la suite des aventures de Meggie, les personnages, les lieux, l’adaptation au cinéma, elle vous plu ? Parlez, parlez !…)

    Là, je ne sais pas par où commencer, Tom ! Si je me souviens bien, tout a commencé avec une scène que j’avais déjà dans la tête quand j’écrivais LE PRINCE DES VOLEURS. Je voyais une fille agenouillée devant une fenêtre. La pluie ruisselait sur la fenêtre et dehors, il y avait un inconnu. J’ai mis un certain temps à trouver quelle histoire se cachait derrière ça. Il y avait aussi le sentiment que tous les lecteurs connaissent, qui veut que les personnages d’un livre nous sont parfois plus familiers qu’un ami parce que les mots nous révèlent tout sur eux, ce que nous ne faisons pas facilement dans la vie réelle. Ils sont si réels qu’on pourrait croire qu’ils sont sortis de leurs livres, non? J’ai  mis un certain temps à comprendre comment. J’admire les bons lecteurs à voix haute et je crois que toute histoire s’éveille vraiment à la vie  quand on se met les mots en bouche…la réponse était soudain très simple : c’est la voix humaine qui les fait surgir. Naturellement. À l’origine, j’avais prévu d’écrire seulement un livre mais l’histoire ne voulait pas s’arrêter et c’est ainsi qu’elle a refermé les portes au bout de trois livres. J’aimerais bien savoir ce qu’Orphée fabrique derrière cette porte, à qui il  s’en prend, ce qu’est devenue Doria mais … depuis quelques années , je suis déjà ailleurs, dans le monde derrière le miroir.
Sur le film, je me suis déjà exprimée : je trouve les méchants pas du tout crédibles, théâtraux, ceci dit, ce fut quand même une aventure inoubliable d’avoir tous mes personnages autour de moi sur le plateau et  Paul Betank est un Doigt de poussière fantastique.

RECKLESS
  • Ensuite, vient RECKLESS. Pouvez-vous présenter cette série pour ceux qui ne la connaissent pas ?

    Le Monde d’encre était un monde médiéval. Le monde derrière le miroir où se passe RECKLESS est beaucoup plus moderne. Il ressemble à notre monde vers 1850-60, sauf que nos contes y trouve une réalité historique. Mon héros, Jacob Reckless gagne sa vie en cherchant des cheveux de Raiponce et des pantoufles de verre  jusqu’au jour où son frère Will traverse à son tour le miroir. C’est ma première série dans laquelle les héros sont des adultes. C’est Doigt de poussière qui m’a appris que mes jeunes lecteurs aiment aussi beaucoup des héros adultes. Naturellement ! Nous voulons nous glisser dans d’autres peaux quand nous nous perdons dans un autre monde et derrière le miroir, ce peut être une peau de pierre, de fourrure … la peau humaine de Jacob.
     
  • D’où vous est venue l’inspiration ?

    J’ai découvert ce nouveau monde à travers un ami. En fait, Lionel Wigwam produit des films (Potter et Sherlock Holmes) et il m’avait demandé si j’avais envie de travailler avec lui à une idée de script. Ce faisant, il m’a transmis sa passion pour le 19ème siècle. … et nous avons trouvé ensemble la porte d’un monde qui m’a inspirée plus que tous les  autres. Je crois que je vais écrire au moins cinq livres sur Jacob ce qui représente au moins dix ans de ma vie derrière le miroir.
     
  • Vos personnages sont-ils inspirés de personnes que vous connaissez, de même que les lieux ?

    Je crois qu’on retrouve  mon fils Ben tant dans le personnage de Jacob que dans celui de son frère Will. Il a la témérité de Jacob et la douceur de Will. Mais je crois aussi que j’ai créé avec Jacob mon propre Alter Ego masculin, et Louve, mon personnage féminin principal, est mon incognito féminin. À propos de Lionel, à qui je dois l’idée de l’histoire, j’aime dire qu’il se retrouve dans le roi des Goyls, et dans  Will. Et d’après lui, je me retrouve aussi dans l’impératrice et la Fée sombre. Mais c’est ce qu’il y a de merveilleux dans le fait de raconter des histoires, on peut vivre beaucoup de vie à la fois.
     
  • Aimeriez vous qu’il soit adapté en film ?

    Oui et non
LES AUTRES
  • Je n’ai pas lu LE CAVALIER DU DRAGON et encore d’autres livres, pouvez vous nous parler de certains livres que vous aimeriez qu’ils soient plus connus ?

    LE CAVALIER DU DRAGON est le livre qui a eu le plus de succès ici aux USA et pour un grand nombre de mes lecteurs, c’est resté leur livre préféré. J’espère qu’on découvrira un jour en France la série des CHASSEURS DE FANTOMES et IGRAINE OHNEFURCHT !
  • Pouvez-vous également nous parler de livres non parus en France ?

    J’ai écrit la série des CHASSEURS DE FANTOMES pour les garçons qui n’ont pas envie de lire et ça m’a beaucoup amusée. C’est l’histoire d’un garcon qui a d’abord affreusement peur des fantômes et qui va devenir un jour un chasseur de fantômes très demandé. Igraine en revanche est l’histoire d’une fille qui voudrait être un chevalier, alors que dans sa famille, ils sont tous magiciens. Le livre est né de mon amour pour LA QUETE DU ROI ARTHUR de  T.H.White.
  • D’autres projets ?

    Jacob Reckless ne me le permet guère. Mais j’ai aussi publié, en Allemagne et en Espagne une histoire de fantômes   intitulée GEISTERRITTER (chevaliers des fantômes ) et qui se passé à Salisbury, en Angleterre. 
  • Un petit mot pour la fin ?
    Merci beaucoup pour tes questions, Tom et bons baisers de LA!
  • Merci d’avoir répondu et bonne continuation !

Commentaires

  1. Wouah ! Cornélia Funke :D C'était l'une de mes auteurs préférés quand j'avais dix ans ! Elle est adorable ;D

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  2. Merci beaucoup. C'était vraiment une interview très intéressante. Je me rappelle du "Prince des voleurs" (souvenir de collège) mais je ne savais pas du tout que c'était un roman de Cornelia Funke !

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